Cultiver nos attachements pour faire politique
J’ai participé le 19 octobre aux premières Auditions du Parlement de la Loire. C’était dans la très ancienne chapelle Saint Libert du vieux Tours, blottie sur le flanc du fleuve. Une centaine de personnes sont venues réfléchir aux moyens possibles de donner une voix politique au vivant.
Deux options se sont cristallisées. Celle d’une possible résistance des non-humains par le droit, portée par l’artiste et juriste Camille de Toledo (initiateur de ces auditions). Il s’agit d’emboîter le pas aux mouvements qui entendent donner une « personnalité juridique » à des écosystèmes. L’exemple vient de la Nouvelle-Zélande, de l’Inde ou de la Colombie qui ont octroyé une protection à leurs fleuves, respectivement le Whanganui, le Gange et l’Atrato. La deuxième option est celle soutenue par Bruno Latour (anthropologue, invité à ces premières auditions), qui a longuement labouré l’idée qu’il ne peut naître de considération pour les non-humains dans notre vie politique sans que les hommes en viennent à porter le « souci du monde ». C’est notre politique qui doit se réorganiser pour garantir le maintien de la biosphère, condition de notre avenir. « Il ne s’agit pas de représenter les non-humains, même si cela semble utile comme fiction, mais de nous présenter à eux, vêtus d’un sac et couverts de cendres. » La métaphore est puissante : c’est bien à une conversion de notre manière d’habiter le monde que Bruno Latour nous appelle. Prendre conscience que nous vivons du monde ! Perdre notre suffisance pour saisir et incarner toutes nos dépendances…