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Plaidoyer pour une « vie vraie »

 

Par Olivier Turquin, écosociologue

 

 

Je n'ai pas participé aux Semailles d’octobre 2019. Je n'ai pas non plus vécu l'impatience inquiète de la période de dormance : ça va germer... ou pas ? J'ai rejoint l'aventure pour assister aux Germinations des graines les plus vigoureuses, les mieux soignées peut-être ou celles qui ont rencontré les conditions adéquates pour germer. Peu importe.

 

Faux naïf (je n'ai plus l'âge), mais vrai curieux (y a pas d'âge), je me suis laissé étonner par ce qui advenait devant moi.

 

Premier étonnement, j'ai constaté rapidement que je n'étais pas seul, en ces temps troublés, à douter de tout ou presque, à commencer de moi-même. Notez que je m'en doutais un peu, je n'étais pas là complètement par hasard, asinus asinum fricat. Mais quel réconfort ! 

 

 

Pour être honnête, je redoutais secrètement un défilé de donneurs de leçon et m'étais apprêté à subir les boniments de quelques marchands de certitudes envoyés par leur N+1 proférer des « éléments de langage » convenus. Il y en eut bien quelques-uns, mais j'ai surtout entendu des personnes, assumant de ne représenter qu'elles-mêmes, partager leurs doutes, leurs hésitations, leurs déboires et aussi leurs espoirs, leurs motivations, leurs affinités... Avec sincérité, elles nous ont parlé avec leurs tripes et leur cœur tout autant qu'avec leur cerveau. Ce n’est pas si fréquent et ça m'a fait du bien.

 

Ce que j'ai vu germer c'est une chaleureuse détermination à changer de monde, c'est un plaidoyer pour une vie vraie. Une vie emplie de risques assumés et partagés avec des compagnons d'aventure décidés à résister au suivisme et au conformisme pour habiter l'inconnu sans se résigner à une pseudo-vie qui « s'épanouit partout[...] où l'on nous tend les simulacres ou les faux semblants propices à nous éviter d'avoir à vivre » comme le dit joliment Daniel Bougnoux. Au cours de ces Germinations, j'ai cru apercevoir des germes de vie vraie qui fissurent la chape de plomb imposée par tous les résignés à l'impuissance plaintive et au fatalisme apocalyptique.

HeleneLeTENO1Hélène Le Téno aux Germinations, le 24 septembre 2020Ceux, et surtout celles, que j'ai entendu germiner me semblent en quête d'une vie vraie à travers la recherche d'une cohérence pour sortir de la co-errance qui nous mène à la catastrophe annoncée. Ils vivent le vrai comme un ressenti intime, non pas comme une vérité absolue, universelle et scientifique. Un vrai intime, et par là même potentiellement universel, que certains n'hésitent pas à appeler amour ou langage du cœur.

 

Les chercheuses de vie vraie – souvent des femmes - permettent de sortir de « l'inévitabilisme » ambiant. Ainsi Hélène Le Teno témoigne qu'il est ardu de concilier la vraie vie avec la vie vraie. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé de trouver une voie, exploré des bifurcations, tenté des bascules, testé des alternatives pour (re)devenir compatibles avec le vivant et être cohérente avec ses convictions intimes. En tombant le masque pour s'exprimer dans le micro, elle a parlé à visage découvert, mais surtout à cœur ouvert de « se sentir comme un gland sur un châtaignier ». Elle a osé poser de vraies et grandes questions comme « à quoi sommes-nous attachés, attelés comme un cheval ? ». Elle a affirmé son refus de se complaire dans la « servitude volontaire», de jouer les « idiots utiles » ou d'incarner « l'opposition autorisée ». Elle a revendiqué « d'aller chercher le pouvoir de l'amour ».


Modestement, à travers sa petite histoire dans la grande, Hélène comme bien d’autre témoins ont pris la parole en se risquant à parler en « je » pour aborder l'universel. Dans son sillage, Geneviève Ferone-Creuzet, propose de « réhabiliter l'intelligence du cœur pour réinventer la notion de progrès ». Cette « transformation passe par la connaissance mais aussi par le sensoriel et l'expérimentation ».


Cette intelligence du cœur quelle est-elle ? Est-elle une forme hybride d'intelligence dans laquelle le rationnel et le relationnel, le réfléchi et le ressenti se combineraient plutôt que de s'opposer ou de s'ignorer. Peut-être un métissage entre intuition sensible et intelligence froide que l'on pourrait baptiser intuitelligence (1) pour explorer comment sortir du dualisme du «  ou bien... ou bien... »  et entrer résolument dans le « et... et … » comme nous y exhorte Hélène Trocmé-Fabre (2).

 

Selon Daniel Todd Gilbert, professeur de psychologie à Harvard, « la science sera bientôt capable de nous dire comment vivre les vies que nous souhaitons, mais elle ne nous dira jamais quelles sortes de vie nous devons souhaiter vivre. C'est à nous de le décider ». Et si … nous décidions de mettre encore plus de cœur à l'ouvrage pour donner une chance à la vie vraie.

 

Olivier Turquin, écosociologue.

 

 

(1) O. Turquin, Mopérateurs et oxymots : ébauche d'un glossaire pour dé-penser le « monde d'avant » et re-penser le « monde d'après », in La pensée écologique, 2020. (www.lapenseeecologique.com)

 

(2) H. Trocmé-Fabre, Le langage du vivant, une voix, une voie en sommeil ?, HD Précursions, 2013.